Le Mesnil de Stains

Le Mesnil de Stains est un ensemble de 30 habitations de transition et d’espaces partagés destinés à des familles en situation précaire. Démontabilité, réversibilité, facilité de mise en œuvre et de maintenance, approche environnementale et usage de matériaux légers et biosourcés constituent l’ADN du projet, conçu par les architectes Merril Sinéus et Séverine Savigny.

« Alors que nombre d’associations françaises alertent sur la dégradation des conditions de vie des personnes vivant en bidonvilles, peu considèrent ces installations précaires comme des lieux de vie faisant partie du parcours résidentiel des familles (…) Le travail de l’architecte dans ces contextes devrait alors être consacré à faciliter la vie en bidonville, plutôt que de prôner coûte que coûte sa résorption (…)

Engagée dans un dialogue avec la commune de Stains, l’association Les Enfants du Canal propose une option pour l’instant impensée ; la création d’un lieu de vie temporaire sur site, pour permettre la transition vers l’habitat de droit commun (…) Les architectes y tentent de nouvelles formes de médiation, pour fédérer et négocier une conjonction des intérêts autour du projet (…) L’architecture se pose alors comme un acte de résistance créative, et le bidonville comme un espace de micro-politique essentiel »1.

Créée en 2007, l’association des Enfants du Canal œuvre pour l’insertion des personnes mal-logées, vivant dans la rue ou en bidonvilles, et initie en 2016 le dispositif MESNIL, pour « Mission Expérimentale de Suivi Novateur et d’Insertion par le Logement ». Le projet du Mesnil de Stains constitue, à cet égard, le premier outil de cette démarche.

Envisageant les maisons auto-construites prenant place dans les jardins partagés comme des éléments révélateurs d’une histoire territoriale et résidentielle locale, l’équipe de conception du Mesnil de Stains s’est interrogée sur les outils à inventer pour que le projet architectural soit véritablement le support d’une vocation affirmée d’utilité sociale.

Dès l’origine du projet, l’enjeu était d’engager une conception partagée avec les futurs usagers, à savoir l’association des Enfants du Canal et plusieurs habitants des bidonvilles. Pour ce faire, des ateliers ont permis à la maîtrise d’œuvre et à la maîtrise d’usage de s’interroger ensemble sur les besoins et attentes de ce lieu. Cette démarche a permis de pointer la nécessité d’articuler le besoin d’intimité des habitants dans leur habitation et le caractère ouvert et convivial des espaces partagés du projet. Un équilibre notamment permis par la fabrication de décalages entre les volumes bâtis et la création de différences de niveaux entre sol terrestre, sol des terrasses et sol des habitations.

L’occupation de la parcelle ayant été conventionnée avec la Ville de Stains pour dix ans, la demande de la maîtrise d’ouvrage, propriétaire des bâtiments, était que ces derniers puissent être aisément démontables pour pouvoir être remontés ailleurs. Dès lors, l’équipe de conception s’est saisie de cette contrainte comme opportunité d’affiner les solutions constructives, économiques et programmatiques du projet, tout en limitant son impact environnemental sur le site. Une réflexion qui permet d’atteindre la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) du terrain, assurant sa réversibilité future en une parcelle cultivable. Ainsi, les choix de matérialité (bois, toile, acier), de structure (fondations sur micropieux dévissables) et d’installation des réseaux d’eau, d’électricité et de chauffage (laissés apparents) facilitent la mise en œuvre, l’entretien et la reconfiguration future du projet.

La réalisation du projet s’est faite progressivement, avec une première phase pour la construction des « serres » accueillant les locaux communs (bureaux, ateliers, salle commune, buanderie) et une seconde elle-même séquencée en quatre temps pour les quatre bâtiments d’habitations, depuis le fond de la parcelle jusqu’à la rue. Quatre typologies d'habitations sont proposées, dont trois s’organisent en R+1 et une de plain-pied pour abriter un studio. La combinaison de trois ou quatre de ces typologies forme un ensemble dont les pièces humides (sanitaires, cuisines) sont mutualisées. Pour chaque bâtiment d’habitations, une travée est laissée libre pour permettre l’extension potentielle d’une habitation ou la création d’un espace partagé intérieur. Quant aux habitations – mis à part le studio – elles s’organisent toutes de la même manière : les espaces des rez-de-chaussée comme des étages peuvent devenir des chambres la nuit, les lits se repliant au besoin, et accueillir des usages différents le jour.

Les habitations sont réalisées avec des caissons en bois isolés préfabriqués en ateliers par une entreprise de charpente, puis acheminés et assemblés sur site. Les panneaux constituant les façades, quant à eux, sont entièrement manuportables, et ceux des façades principales en rez-de-chaussée (portes d'entrée) interchangeables, facilitant le chantier initial mais également de possibles évolutions et délocalisations des constructions. Les sanitaires sont entièrement préfabriqués et équipés hors-site. Enfin, les dispositifs thermiques du projet ont été pensés de manière à favoriser une sobriété énergétique maximale : chauffe-eau commun à plusieurs habitations, récupération des eaux pluviales, disposition traversante des ouvertures afin de faciliter la ventilation naturelle des espaces.

Enfin, le travail mené avec l’équipe de paysagistes – Territoires – a permis de penser le projet en accord avec les dimensions paysagères et maraîchères du site. Le chemin piéton traversant la parcelle dans sa longueur, réalisé avec des pavés et briques de réemploi, assure la perméabilisation des sols mais aussi la structuration du site autour de cette artère qui, une fois les habitations démontées, pourra desservir de futures parcelles maraîchères.

En 2020, le Mesnil de Stains a reçu la Mention spéciale "Procédure innovante" PRCB Île-de-France pour ses qualités de préservation des sols, de réversibilité des constructions et de proposition d’un chantier ouvert mené en étroite collaboration avec la maîtrise d’ouvrage.

1 : SINEUS, Merril, "Les bidonvilles, territoires d'opportunité ? Deux expériences pilotes européennes", Urbanisme, n°406, septembre 2017, p. 40.

19 rue du Moutier, 93240 STAINS (Seine-Saint-Denis)

Fiche Technique

Programme:

30 habitations de transition pour familles en grande précarité (4 studios, 13 T1, 9 T2, 4 T3) et lieux associatifs partagés (salle commune, bureaux, buanderie, atelier, stockage) dans les jardins familiaux de Stains.

Surfaces:

  • Habitations : 905 m2 (804 m2 SU + 101 m2 terrasses)
  • Serres : 263 m2 (164 m2 SU + 99 m2 terrasses)
  • Jardins : 763 m2

Maîtrise d’oeuvre:

  • Architecture : Merril Sinéus et Séverine Savigny, avec Ugo Nocera, Floriane Le Moigne, Marie Segonne, Alice de Nardi
  • Paysage : Territoires ; Etienne Voiriot avec Valentin Kottelat, Victorine Lalire
  • Ingénierie environnementale : Netallia ; Nicolas Martinez et Philippe Guiguon
  • Structure bois : Racine BE; Cyril Macquaire
  • OPC : Exagone; Christian Mouard
  • BCT et SPS : Alpes Contrôles

Maîtrise d’ouvrage et programmation:

  • Association «Les Enfants du Canal» (propriétaire des bâtiments)

Durée des travaux:

  • Avril 2018 (début des travaux de viabilisation)
  • Janvier 2020 (réception des travaux)

Financement:

  • État
  • Fond social européen
  • Région Île-de-France
  • Ville de Stains

Coût du projet HT:

  • 490 000 € (tranche 1 «serres»)
  • 1,63 M€ (tranche 2 «habitations»)
  • 227 000 € (VRD et paysage)

pour un total de 2,35 M€

Partenaires:

  • Ville de Stains

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